Un soumis ou deux debout ? Le grand gâchis..

Un soumis ou deux debout…

(J’ai attendu le 19 juin, fin de la période électorale pour publier cet article)

Après le résultat désastreux de la séquence électorale 2017, un président ultralibéral avec une assemblée entièrement à sa botte, il est indispensable de reconstruire une opposition de gauche sur de nouvelles bases, avec la recherche d’abord d’une efficacité en laissant de côté les égos, les arrogances et les rivalités inutiles.

Pour cela il est nécessaire d’abord de mettre sur la table les causes de notre échec. Elles sont multiples, et on y reviendra. Mais déjà parlons de ce qui a simultanément créé un espoir et malheureusement aussi une grande confusion et une ambiance regrettable, je veux évoquer ici  l’attitude de Jean Luc Mélenchon (JLM) et de sa création la France Insoumise (FI).

Pour la présidentielle JLM n’a pas laissé le choix et a imposé sa candidature, ne revenons plus là dessus. Sa campagne a été bonne et a permis en particulier à de nombreux jeunes de se « mettre en politique », ce qui n’est pas négligeable. Passons sur l’arrogance et sur le mépris envers tous ceux qui n’étaient pas d’accord avec lui ou qui osaient lui donner des conseils, c’est sa personnalité, et maintenant on le connaît.

Les conditions étaient très différentes de celles de 2012 : il ne s’agissait plus simplement de battre Sarkozy, ce qui avait favorisé Hollande. Cette fois-ci le PS était complètement discrédité par le désastreux quinquennat de Hollande. La défaite de Valls à la primaire du PS était une aubaine, et Hamon représentait une rupture par rapport au PS du quinquennat, il fallait en tirer profit au lieu de continuer à parler du PS de façon globale. Il ne nous a manqué que 2% pour aller au second tour, c’est très peu, c’était donc faisable…

Quant aux législatives, pour moi cela se résume à un immense gâchis. Au lieu de profiter de l’élan créé par le bon score de JLM à la présidentielle et de proposer un regroupement offensif des forces de progrès, la FI s’est enfermée dans son dogmatisme et a mis en place une division démobilisatrice et suicidaire.

Une division sciemment organisée hélas.

C’était clairement annoncé depuis plusieurs mois par la France Insoumise (FI)

Voir dans sa fameuse charte – 3e verset- : « Nous devons donc construire notre campagne législative en cohérence totale avec la campagne présidentielle et pour cela avoir des candidats investis par la France Insoumise dans toutes les circonscriptions.. ».

Cette attitude hégémonique, se moquant de toutes les autres forces, a entraîné l’existence de deux candidatures de la gauche de transformation dans la plupart des circonscriptions. Il en est résulté une incompréhension et une démobilisation dans la population de gauche.
Alors que Mélenchon avait obtenu sur son nom 7 060 885 voix le 23 avril, la France Insoumise n’a rassemblé sous son sigle que 2 497 663 voix le 11 juin.

Quelques exemples du gâchis (parmi beaucoup d’autres) :

  • 6e circonscription de l’Oise : Le député PCF sortant Patrice Carvalho éliminé avec 19,63% car la FI a tenu à présenter une candidate contre lui qui, avec 7,4% l’empêche d’aller au second tour (le FN faisant 21,3%).

Résultat : 1 député communiste sera remplacé par 1 député macroniste. Pas de quoi être fier !

  • 3e circonscription du Pas de Calais : Il manque 221 voix pour que Jean-Marc Tellier soit au 2e tour. Mais la FI n’avait pas accepté l’accord proposé par le PCF…

Pratiquement partout la FI a refusé les propositions d’accord avec les forces du Front de Gauche. Une attitude rigide et aux conséquences graves.

Deux exemples dans des circonscriptions que je connais un peu :

  • en Pyrénées Orientales sur les 4 circonscriptions le PCF proposait à la FI une répartition de 2 et 2, refus net de FI, ils se présentent dans les 4..
  • dans les Bouches du Rhône 8 circonscriptions : JLM se parachute dans l’une où le PC se retire pour ne pas lui nuire en proposant une répartition 4 et 4 , refus de FI, là encore. Cela profite à qui ?

Et on s’étonne ensuite qu’il y ait eu beaucoup d’abstentions dans l’électorat de gauche. La plus grande défection parmi ceux qui avaient voté JLM en avril a été chez les jeunes.

France Insoumise, c’était le renouveau, d’après ses publications..

A propos des structures de la FI, passons rapidement en revue ses principaux responsables :
J-L Mélenchon, Parti de Gauche, ancien sénateur socialiste, ministre sous Jospin
M. Bompard (directeur de campagne de JLM), Parti de Gauche, secrétaire national.
A. Corbière (porte-parole de JLM), Parti de Gauche, ancien membre du PS, 1er adjoint maire PS jusqu’en 2014.
M. Billard (coordinatrice du programme écologie), Parti de Gauche.
E. Coquerel (coordinateur du PG), Parti de Gauche, époux de R Garrido.
R. Garrido (porte-parole de JLM), Parti de Gauche, ancien membre du PS..
D. Simonnet (coordinatrice du PG), Parti de Gauche, ancien membre du PS, dans cabinet du ministre socialiste Mélenchon en 2000.
J. Généreux (coordinateur du projet), Parti de Gauche, ancien du PS.
L. Chaïbi (animatrice de l’espace politique de la FI), Parti de Gauche.
P. Juraver (animateur de l’espace des luttes de la FI), Parti de Gauche.
S. Chikirou (responsable communication) Parti de Gauche, ancien membre du Conseil national du PS.
A. Léaument (en charge de la coordination numérique), Parti de Gauche.

Tout cela pas très nouveau, pas né spontanément pour l’occasion.

Par contre bien sûr chez les militants de base il y a beaucoup d’engagement neuf et sympathique, souvent jeune. Ils ne font pas toujours le lien avec la vieille garde qui leur envoie des instructions très directives. Mais ils ont l’enthousiasme, et c’est bien. La lucidité ils la découvriront plus tard, en espérant que cela ne les freine pas mais les oriente vers un plus grand désir d’alliance avec ceux qui ont les mêmes objectifs en étant organisés différemment, ou inorganisés..

L’intention était de remplacer les partis « bureaucratiques » par un mouvement. C’est un sujet de discussion valable. Mais il y a un hic, car le « mouvement » créé fonctionne dès le début de façon on ne peut plus verticale, centraliste et bureaucratique, malgré le vocabulaire utilisé pour cacher cet aspect.

Quelques mots sur l’attitude de certains militants de FI.
Il était très difficile d’argumenter avec eux, par exemple pour réclamer une union. On se heurtait à des réponses stéréotypées et on avait l’impression de parler dans le vide. Un malaise face à une sorte de fanatisme.. Un de mes amis, pourtant assez proche d’eux, m’a dit : « ils sont dans un autre monde ». J’ai assisté à une de leur réunion publique, en décembre à Plozevet : pendant une heure l’orateur a répété « Jean-Luc a dit.. », Mélenchon a dit.. », et parallèlement il projetait des vidéos nationales et des extraits de tracts nationaux. Rien de personnel, rien de local.
Quand on leur proposait d’envisager avec nous une unité de la gauche antilibérale on n’était même pas écoutés. J’avais l’impression de discuter avec des témoins de Jehovah !

Plus tard, alors que je mettais en garde sur le risque de n’avoir plus de députés de la gauche de transformation en raison de leur stratégie d’imposer un candidat FI partout, l’un d’entre eux m’a répondu : « on s’en fout, les députés ne servent à rien.. ». Donc ils présentaient des candidats partout simplement dans le but de mettre en place leur parti – déclaré au Journal Officiel du 26 janvier 2017- pour le financer – environ 1,50€ par voix – en se moquant d’imposer 5 ou 10 ans supplémentaires de difficultés pour des millions de Français.. De la priorité affichée et la priorité effective laquelle est la bonne ?

Si nous voulons construire du commun, il faudra le faire en commun, ce qui exclut de telles méthodes.
Alors tous ensemble innovons avec audace, c’est à dire en jetant ce qui nous freine et en construisant une opposition à la mesure de l’enjeu.

Un avis très documenté (dont je ne partage pas tout mais l’essentiel) : Quelques réflexions sur la “France insoumise” par Vincent Présumey

https://blogs.mediapart.fr/vincent-presumey/blog/070617/quelques-reflexions-sur-la-france-insoumise

Ajout du 23 juillet : France Insoumise et la démocratie…

1 réflexion au sujet de « Un soumis ou deux debout ? Le grand gâchis.. »

  1. Ayant vécu les mêmes réactions de la part des insoumis dont je faisais parti du groupe de soutien de ma circo de l’Oise, je partage cet article et m’y retrouve ( et j’en ai bien besoin) parce si JLM a réveillé mon militantisme en 2012. Cette attitude de chef suprême, accepté par les militants m’a tout de suite heurté et éloigner d’eux (si on ne peut encore moi s’exprimer que dans un parti!)
    Ils étaient dans un autre monde c’est exact, à nier l’évidence: on va gagner, tu regardes pas les bons sondages…sur ce qui me motivait le plus cette année: un autre monde devenait possible, a porté de main! Mais ensembles! En assurant ! non, les partis c’est dépassé, sauf à adhérer totalement à FI, pas une tête qui dépasse le doigt sur la couture du pantalon et on ne discute pas: très peu pour moi!
    Risque pris: perdu, tout faux.
    Le discours m’apparaît désormais loin de la réalité .
    Vieille militante ( de terrain) je rentre dans ma coquille .
    Le changement c’est pas encore pour aujourdh’ui, déçue je suis!
    Courage à la jeune génération

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