Les partis communistes européens engagés pour la transformation sociale et pour la paix
Conférence pour la paix et contre l’austérité



Fabien Roussel et les communistes français ont reçu leurs camarades de sept autres pays : Espagne, Belgique, Autriche, Chypre, Portugal, Tchéquie, Italie. © Eric TSCHAEN/REA
Le PCF a accueilli, lundi 5 mai dans la soirée, une conférence internationale contre l’austérité et pour la paix, alors que l’UE s’apprête à faire exploser ses dépenses militaires, sur fond de montée de l’extrême droite. Sept autres partis communistes européens étaient invités.
À « l’internationale » fasciste qui se lève de Washington à Bucarest en passant par New Delhi, que répond la gauche internationaliste historique ?
Éléments de réponse au siège parisien du PCF, place du Colonel-Fabien, lundi 5 mai dans la soirée. Les communistes français y ont reçu leurs camarades de sept autres pays : Espagne, Belgique, Autriche, Chypre, Portugal, Tchéquie, Italie.
Ensemble, ils réclament à l’unisson la fin de la course aux armements, en faisant le lien entre antifascisme et pacifisme, tandis que l’Union européenne (UE) prévoit un effort de 800 milliards d’euros pour l’augmentation des dépenses militaires des États-membres : « L’obsession pour la guerre nourrit l’extrême droite, nous devons êtres obsédés par la paix », déclare Maurizio Acerbo, secrétaire national du Parti de la refondation communiste (Italie).
« Le danger d’une victoire des fascistes et d’une accélération vers la guerre est réelle. L’impérialisme capitaliste veut imposer son hégémonie par les armes », abonde Milan Krajca, vice-président du Parti communiste de Bohême-Moravie (République tchèque). « Nous sommes à un carrefour, résume le secrétaire national du PCF, Fabien Roussel. Soit la classe dirigeante capitaliste réussit à nous conduire dans le puit sans fond de l’économie de guerre, avec le concours actif de l’extrême droite, soit la mobilisation des peuples européens pour le progrès social permet de faire émerger une alternative. »
Haro sur l’Otan
Cette alternative passe, pour les communistes, par une sortie de l’Otan. Si Fabien Roussel a rappelé que le PCF condamnait fermement l’invasion russe de l’Ukraine, certains de ses partenaires ont été peu locaces s’agissant de l’impérialisme de Moscou, rejetant la responsabilité de la guerre à l’Otan seul.
« Son réarmement sous l’égide des Etats-Unis est la principale cause de ce qui se passe en Ukraine », estime Marta Martin, du Parti communiste d’Espagne, qui assure que « l’augmentation des dépenses va nourrir le complexe militaro-industriel américain ». « La paix en Ukraine, en tout cas, ne passera pas par l’extension de l’Otan, qui n’a pas sa place en Europe », défend Giorgos Koukoumas (AKEL, parti des travailleurs chypriotes).
L’idée d’une nouvelle « Conférence d’Helsinki » pour fixer un cadre de sécurité collective « de l’Atlantique à l’Oural » fait consensus pour le PCF et ses alliés.
Pour Fabien Roussel, cela passe par « mettre la neutralité de l’Ukraine sur la table, dans le respect de sa souveraineté ».
Rediriger les 800 milliards de l’armement vers la réindustrialisation
La somme de 800 milliards de dollars, en revanche, n’est pas tombé dans l’oreille de sourds. Marc Botenga, du PTB (Belgique), ironise : « Pendant des années on nous a dit qu’on avait pas d’argent pour les retraites, l’école ou les hôpitaux, et tout un coup voilà 800 milliards pour la guerre ! »
Un argent qui, puisqu’il existe, devrait être mobilisé pour un « choc d’investissement », plaide Fabien Roussel, en direction des services publics et de la réindustrialisation : « Agir pour la paix, c’est aussi reprendre le contrôle de l’argent public et gagner ces batailles, pour être moins dépendant des importations et relever le défi climatique. »
Quant à l’UE, pas question de la quitter, même si Giorgos Koukoumas dénonce « ses traités, dans lesquels sont inscrits le capitalisme et l’impérialisme ». « Se replier vers un capitalisme national comme le propose l’extrême droite n’est pas une solution », a averti le Chypriote.
Partout sur le continent, les communistes entendent parler paix d’une même voix. Reste à savoir comment rendre le pacifisme audible, à l’heure où les tensions s’exacerbent.
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Discours de Fabien Roussel
Mesdames et Messieurs les parlementaires, Mesdames, Messieurs les élu·es, camarades Autrichiens, Belges, Chypriotes, Espagnols, Italiens, Portugais et Tchèques qui nous faîtes l’amitié d’être présents ce soir, amis, camarades,
C’est un honneur et une grande joie pour le Parti communiste français de vous recevoir ici sous cette coupole. Sept partis communistes et ouvriers venus de toute l’Europe et avec lesquels les communistes français partagent tant de luttes communes.
Merci à vous d’avoir répondu présents à notre invitation et de faire vivre cet internationalisme qui nous est à toutes et à tous si cher. Vous pouvez compter, chers camarades, sur le PCF pour poursuivre avec vous ce dialogue et la construction commune d’une autre Europe avec l’esprit qui nous a toujours animé : offensif et sans compromission avec nos adversaires, constructif et respectueux avec tous nos partenaires.
Chacune et chacun de vous l’a exprimé à sa façon ce soir et au cours de cette journée de travail que nous avons passée ensemble : Nous n’avons pas d’autre intérêt à défendre que celui des peuples et du monde du travail ; Nous n’avons pas d’autre intérêt que celui d’agir, en solidarité, dans chacun de nos pays et à l’échelle européenne, pour la paix, le progrès social, le respect des choix démocratiques des peuples.
Cette solidarité concrète plonge dans l’histoire de nos luttes communes.
De la défense de la république espagnole (vous êtes ici dans un lieu historique, celui où se sont regroupés les brigades internationales françaises), à la résistance contre le fascisme, de la solidarité avec les luttes des peuples colonisés, pour leur libération nationale à celle pour la paix et la sécurité collective en Europe, de la solidarité avec les luttes sociales et démocratiques des peuples européens aux luttes pour l’égalité ou pour une transition écologique juste… nous avons, nous sommes et nous serons de tous les combats !
Chacune et chacun ici le sait, nous sommes à la veille de deux anniversaires importants. Celui, bien sûr, de la victoire contre le fascisme et le nazisme, il y a 80 ans, mais celui aussi, des référendums en France et aux Pays Bas contre le traité constitutionnel il y a 20 ans. Deux dates dont la place dans l’Histoire n’est évidemment pas égale mais que toutes celles et ceux qui travaillent à un avenir démocratique et pacifique pour les peuples d’Europe doivent avoir en tête et faire résonner avec force.
Aujourd’hui, nous – peuples européens – sommes à un carrefour. Soit les classes dirigeantes capitalistes réussissent à nous entraîner dans le puits sans fond de l’économie de guerre et de l’austérité, avec le concours actif des forces d’extrême-droite, soit la mobilisation des peuples européens pour le progrès social et pour la paix permet de faire émerger une alternative sociale et politique à la catastrophe qui s’annonce.
C’est un enjeu vital pour les peuples et c’est la raison d’être des partis communistes d’être moteur de la construction de cette alternative. C’est ce à quoi nous travaillons toutes et tous car nous croyons profondément en la possibilité de construire de nouvelles majorités sociales et politiques pour la transformation sociale et démocratique, pour la Paix, pour la Démocratie, pour la Justice sociale.
Et dans cette lutte, nous avons face à nous un ennemi puissant. Une bête immonde qui chaque jour se renforce. Cette bête-là elle porte le visage de Trump aux Etats-unis d’Amérique, celui de Meloni en Italie, de Netanyahou en Israël, de Milei en Argentine ou de Marine le Pen ici en France. Elle se renforce partout. Chez vous et dans quasi tous les pays d’Europe.
La liste est longue. Tout le monde est concerné. Tout le monde est menacé par ces agitateurs de haines qui théorisent et mettent en pratique leur nationalisme agressif, violent et expansionniste et qui veulent faire capituler – dans le sang s’il le faut – les peuples et les travailleurs.
Agir pour la paix, ce n’est pas uniquement un engagement moral.
C’est une action politique ! L’Europe en manque terriblement. Elle qui reste spectatrice de tant de massacres et applique, en matière de droit international, un « deux poids deux mesures » insupportable ! Faire appliquer le droit international, faire appliquer la charte des Nations Unies, protéger les peuples de l’impérialisme bestial implique une action concrète, urgente, vitale ! En Ukraine, comme à Gaza, en Syrie comme dans la région des Grands Lacs, nos gouvernements respectifs portent de lourdes responsabilité dans les conflits actuels.
Ils peuvent agir. Ils doivent agir. Ne les laissons pas sacrifier l’avenir des peuples sur l’autel des concurrences impérialistes entre puissances régionales ou mondiales.
Alors que la situation à Gaza est celle d’un effondrement humanitaire, que la famine, les épidémies s’y multiplient, nos gouvernements doivent agir et suspendre jusqu’à nouvel ordre l’« accord d’association » avec l’Union Européenne. Il y a urgence à reconnaître l’Etat de Palestine aux côtés de l’Etat d’Israël. C’est ce que le PCF exige du Gouvernement français depuis tant d’années !
Avec l’OLP, nous organiserons ici le 4 juin prochain, date ô combien symbolique qui représente le dernier jour d’existence des frontières de 1967 et la veille du début de la guerre des Six-Jours, une conférence pour la reconnaissance par la France de l’Etat de Palestine et pour les droits nationaux du peuple palestinien. Vous y êtes toutes et tous les bienvenus.
Voilà le type d’actions politiques que nous menons au PCF, pour faire de notre combat pour la paix, une lutte concrète, et donner vie à une solidarité internationale en actes, qui ne se résume pas à des incantations ou des vociférations. Le droit international et les principes de la charte des Nations Unies sont également notre fil rouge pour mettre fin à la guerre en Ukraine déclenchée d’une manière totalement injustifiable par le régime de Vladimir Poutine.
La marginalisation des Européens et de l’UE par Trump et Poutine est la conséquence de l’inaction politique de l’UE. Depuis plusieurs années, les Européens ont brillé par leur hypocrisie : la France et l’Allemagne étaient garantes des Accords de Minsk et n’ont rien fait pour les faire appliquer.
Il est grand temps de changer de logiciel, pour une solution politique et diplomatique, respectant la souveraineté et la sécurité des peuples. L’Europe doit participer plus activement aux négociations et construire les voies de la Paix en s’inspirant de ce que nous avons su faire à Helsinki en 1975. Oui, le principe de la neutralité de l’Ukraine peut et doit être mis sur la table. Comme celui de l’Autriche l’a été en 1955 au sortir de la Seconde Guerre mondiale.
Changer de logiciel, cela implique aussi d’agir en toute indépendance de l’OTAN. Oui, la France a les moyens de sortir à court terme du commandement intégré de l’OTAN puis d’agir, dans le cadre d’une refondation du système européen de sécurité collective, pour la sortie et la dissolution de l’OTAN.
Derrière ces guerres, une seule et même logique : la logique capitaliste et impérialiste, les concurrences pour le contrôle des réseaux commerciaux et numériques, les concurrences douanières et commerciales, les concurrences énergétiques.
La violence de la guerre économique qu’a déclaré Trump au monde et à l’Europe en particulier nous oblige à défendre des positions communes qui ne soient ni le renforcement du libre-échange, ni la surenchère de taxes douanières qui pénalisent les travailleurs et auront des conséquences terribles pour leur pouvoir d’achat. Travaillons aux moyens de ré industrialiser nos pays. Remettons en cause les traités de libre-échange européens. Reprenons le contrôle sur l’argent public. Ne laissons pas les puissances de l’argent et la technocratie décider à la place des peuples de notre avenir commun.
Nous avons besoin d’un choc d’investissement pour reconquérir nos appareils productifs, pour produire des richesses, pour être moins dépendants des importations qu’elles viennent des États Unis ou d’Asie, pour relever le défi climatique par la décarbonation, pour gagner la bataille de l’énergie, de l’acier, du logement, pour répondre aux attentes de nos concitoyens avec des services publics qui fonctionnent.
Agir pour la paix, c’est agir contre ces logiques, pour un autre ordre du monde de peuples libres, souverains et associés. Écoutons les exigences des peuples du sud dit global, qui ne veulent pas être entraînés dans une politique de bloc, mais exigent un ordre du monde fondé sur le multilatéralisme.
Ecoutons aussi les peuples d’Europe qui réclament depuis des décennies une autre construction européenne sans jamais être entendus et qui, aujourd’hui, trop déçus par tous, se tournent vers l’extrême-droite et ses fausses promesses de rupture.
Il y a 20 ans, les Français refusaient le TCE. Or, depuis 20 ans, les classes dirigeantes européennes ont continué et accéléré les mêmes politiques rejetées par le peuple français. On en voit les conséquences : la soumission accrue à l’OTAN, la dépendance envers les Etats-Unis à un point tel qu’aujourd’hui, face à Trump, l’UE ressemble à un canard sans tête, la désindustrialisation, l’inaction climatique …
Chers camarades,
Tous ces chantiers, toutes ces luttes, le PCF ne les mène pas seul. Des forces agissent dans le même sens en Europe. Notre rassemblement ce soir en est la démonstration. Bien sur des débats et des analyses restent à approfondir. Mais nous nous retrouvons sur l’essentiel.
Sur l’exigence d’une remise en cause totale de ce monde capitaliste et impérialiste qui broie les peuples et détruit leur environnement Sur l’exigence d’une réponse immédiates aux besoins des peuples, aux intérêts du monde du travail, et du plus grand nombre.
Soyez certains, chers camarades, que vous pouvez compter sur le PCF pour continuer à lutter avec vous.
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Les partis communistes européens engagés pour la transformation sociale et pour la paix
Lundi 5 mai, le PCF a invité sept partis communistes et ouvriers européens à se réunir à Paris : le Parti communiste portugais, le Parti communiste d’Espagne, le Parti du travail de Belgique, le Parti de la refondation communiste-gauche européenne (Italie), AKEL (Chypre), le Parti communiste d’Autriche et le Parti communiste de Bohême-Moravie.
Ce format de travail a pour objectif d’offrir un espace de dialogue à des partis communistes membres du groupe The Left au Parlement européen ou bien membres ou observateurs du PGE.
Le mouvement ouvrier en Europe est, au-delà de la grande diversité des situations nationales, confronté à des défis communs : ceux de la nouvelle phase de la mondialisation capitaliste et de ses fracturations, des réactions de l’impérialisme américain avec la guerre commerciale de Trump, et de ses contradictions, ceux de la crise sociale et démocratique européenne accentuée par les politiques austéritaires des traités et des classes dirigeantes européennes, ceux des risques d’une guerre européenne et du surarmement.
L’essor de l’extrême droite, et la montée en puissance de son projet xénophobe et de démantèlement des conquêtes sociales et démocratiques des peuples, est une réalité dans l’ensemble de l’Europe ; de même que l’est celui d’une partie des bourgeoisies de s’appuyer ou d’utiliser de telles tendances pour écraser la gauche.
Le choix des bourgeoisies européennes d’enclencher une marche vers l’économie de guerre, pour essayer de redonner un élément commun à une construction capitaliste de l’UE qui n’en a plus guère, est lourd de régressions sociales et démocratiques majeures à l’échelle continentale.
L’ensemble des partis, dans leurs conditions nationales propres, est donc confronté à la question de la construction de majorités sociales et politiques capables non seulement de s’opposer efficacement à de telles régressions historiques, mais encore de porter l’exigence d’une alternative de transformation et d’émancipation sociale et démocratique, sur une base unificatrice de classe, et non sur celle de l’exacerbation des communautarismes.
La question d’une politique de paix est donc centrale en Europe. Les critiques de l’OTAN, du plan « Rearm UE » et de l’impasse stratégique de la soumission de l’UE à l’OTAN et aux USA, dont on voit aujourd’hui toute l’ampleur, sont bien entendu partagées. Il s’agit également d’exiger en commun la construction d’une alternative pour la sécurité collective des peuples en Europe, alors que les classes dirigeantes du continent le poussent sur la voie d’une confrontation armée.
L’exigence d’autres coopérations européennes, fondées non pas sur la logique capitaliste mais sur les intérêts communs des nations souveraines et associées, est également un autre point fort. Cela s’applique dans les domaines de l’industrie, de l’énergie, des transports par exemple.
Cela fait écho aux revendications portées il y a 20 ans par le non de gauche en France. Le piétinement des résultats des référendums français et néerlandais par les classes dirigeantes européennes est une des sources de la crise structurelle d’une UE condamnée à mendier des faveurs à Washington ou à s’enfoncer dans un fédéralisme armé et nucléarisé.
Le tour de table de la situation dans les différents pays a montré à quel point l’offensive contre les droits sociaux, contre les services publics, contre les retraites était commune, prenant pour prétexte l’instauration d’une économie de guerre.
Mais ce même tour de table montre aussi que des potentialités existent. Des mobilisations sociales importantes ont lieu en Belgique. Des évolutions politiques intéressantes sont à noter dans un certain nombre de pays, comme le fait que le PD italien se soit opposé à « Ream UE », ou encore la mobilisation sur les quatre référendums italiens sur l’assouplissement de l’accès à la nationalité et sur le code du travail qui auront lieu les 8 et 9 juin. En Autriche, la défense du statut de neutralité est soutenue par une majorité écrasante de la population. La situation politique et sociale n’est donc pas figée en Europe et des bases pour faire bouger les rapports de force en faveur de la paix et du progrès social existent.
Sur tout cela, les partis communistes ont souligné l’importance de poursuivre les échanges et le travail commun.
Vincent Boulet Article publié dans Communistes, la revue
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Un article de Danièle Bleitrach