Avec ma calculatrice je demande la racine carrée d »un nombre et j’ai tout de suite la réponse. Magique ? Non tout s’explique.. par un petit algorithme.
Le fait d’appuyer sur la touche racine déclenche un petit programme de calcul que le mathématicien Cédric Villani* nous explique dans sa chronique du journal l’Humanité du 13 mai 2025.
La méthode, l’algorithme –la recette– est simple et efficace.
on la connait aussi sous le nom de méthode de Héron, ou algorithme de Babylone.
Exemple du calcul de racine carrée de 2
On part d’un rectangle de cotés 1 et 2 – pour racine de 5 on prendrait 1 et 5 – La surface, l’aire, de ce rectangle est 1×2=2
On va progressivement diminuer la longueur du rectangle tout en conservant son aire égale à 2. On se rapprochera ainsi d’un carré dont l’aire sera 2 et son coté racine de 2. Voici donc le principe.
Dimensions successives du rectangle :
Au départ 1 ett 2.
Etape 2, on prend comme côté la moyenne des deux précédents pour le premier et on calcule le 2e pour que l’aire reste à 2
Onj obtient 3/2 et 4/3, soit 1,5 et 1,33
Etape suivante 17/12 et 24/17 soit 1,416 et 1,412
etc.. notre rectangle devient de plus en plus carré et on obtient pour son côté une valeur de plus en plus précise pour racine de 2
Cet algorithme est programmé dans la calculatrice qui nous fournit une très bonne approximation de ce nombre 1.4142136… nombre irrationnel ne pouvant être écrit avec un nombre fini de décimales.
* Cédric Villani est un mathématicien, titulaire de la médaille Fields, l’équivalent du prix Nobel pour les mathématiques.
La chronique mathématique de Cédric Villani
Riches racines
Le 5 mai 2025 (5/5/25), c’était le jour international de la racine carrée (car 5 est racine carrée de 25 !). Si vous n’avez pas fêté en cuisinant des radis à base carrée, je compte sur vous pour la prochaine occasion, vous avez le temps de vous préparer (combien de temps au juste ?).
Mais qu’y a-t-il de si intéressant dans les racines carrées ? Beaucoup de choses ! Le calcul de racine carrée est la plus ancienne trace d’algorithme sophistiqué qui nous soit parvenue – une petite tablette d’argile babylonienne, répertoriée YBC 7289, gravée il y a quelque 3700 ans d’une excellente approximation de racine carrée de 2 (en gros 1,414213 dans notre notation). En vue de quelle application, ce calcul si précis ? Aucune ! C’était – déjà – de la précision pour l’amour de la précision et cela déjà est précieux.
Aujourd’hui on appelle « algorithme babylonien » la méthode de calcul ultra-rapide des racines carrées, par approximations successives, toujours utilisée dans nos universités et dans nos ordinateurs. Pour calculer racine de 2 on part des nombres 1 et 2 ou plutôt du couple (1,2). Le couple suivant sera (x, y) où x est la moyenne des deux nombres précédents (moyenne de 1 et 2), et y est choisi pour que xy = 2. Soit (3/2, 4/3). Et ainsi de suite ! Et cela converge à toute allure vers le couple (r, r) où r = racine de 2. C’est bien plus efficace que la méthode habituellement enseignée à l’école… en fait c’est mon introduction préférée au concept crucial de rapidité algorithmique ! Mais la racine carrée est aussi la porte d’entrée vers la nature des nombres ! C’est par elle que les Grecs anciens subirent le choc historique de la découverte des nombres irrationnels, ceux qui ne peuvent s’écrire sous forme de fraction.
Démonstration par l’absurde. Supposez que racine de 2 soit une fraction, c’est-à-dire a/b avec a et b entiers. Si a et b sont tous deux pairs, simplifiez par 2 (divisez a et b par 2, sans changer la fraction a/b). Simplifiez par 2 encore si besoin, jusqu’à ce que vous ne puissiez plus, c’est-à-dire que soit a, soit b est impair. Élevons la fraction au carré : a2/b2 = 2. Donc a2 = 2 b2. Donc a2 est pair. Donc a est pair. Donc a2 est multiple de 4. Donc b2 = a2/2 est pair. Donc b est pair. On a ainsi prouvé que a et b sont pairs, c’est une contradiction !
Qu’en conclure ? Que racine carrée de 2, nombre bien réel puisque calculable, ne se laisse pas mettre en fraction. Ainsi la racine carrée est une porte ancestrale vers ces nombres irrationnels, qui forment la quasi-totalité des nombres réels. L’une des plus grandes avancées conceptuelles de l’histoire des sciences !
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