Dans l’Humanité du 13 janvier 2025 :

Lire l’article (pdf)
Petit rappeel : Trump et Musk étaient les invités d’honneur de Macron pour l’inauguration de Notre Dame de Paris il y a un mois !
Voir aussi : Macron pouvait-il tomber plus bas..
Voir aussi en pdf : article du 8 janv 25 sur Musk et l’Europe dans l’Humanité
Et aussi un article de Mediapart sur (les invités de Macron) Musk et Trump au sujet de l’Europr
et dans l’Humanité Magazine du 16 janv 25
Elon Musk est-il la figure du fascisme du XXIe siècle ?
Par Pierre Serna, historien, chercheur à l’Institut d’histoire de la révolution française (IHMC)
Le « muskisme » naissant est-il plus dangereux que le trumpisme, renaissant ? Les pratiques récentes de Musk et les déclarations de Trump conduisent-elles à repenser les formes d’expansion d’un nouveau fascisme à l’ordre du jour pour le second quart du XXIe siècle ? La prudence dans l’utilisation des termes s’impose, afin de pas rajouter de la confusion au chaos politique dans lequel se trouvent bien des démocraties, coincées dans l’impasse d’une social-démocratie ayant délaissé les combats pour la justice sociale, cédant toujours plus de terrain au diktat du marché ultralibéral. La frustration des peuples et le mensonge des gouvernants sont le lit des colères alimentées par toute forme de populisme. L’extrême droite engrange de malsaines victoires sur cet échec.
Il faut redéfinir aujourd’hui un néofascisme qui sévit, reprenant les formes anciennes qu’il adapte à un monde en profondes mutations industrielles, technologiques, biologiques et écologiques. Entre 1919 et 1922, Mussolini et ses complices ont eu le temps de caractériser une doctrine reposant sur le nationalisme guerrier, sur la xénophobie, les anti-Lumières, la détestation du communisme, la violence verbale et la volonté par un gouvernement totalitaire d’opérer une révolution anthropologique et sociale. Un nouvel horizon de soumission totale des individus à l’État et à son incarnation dans le corps du Duce était soutenu. À cette époque et de façon holistique, c’est-à-dire ramené à une seule entité de la dictature d’un parti, se construit l’endoctrinement de tout un pays, par la volonté d’édifier une internationale fasciste antisémite et belliciste.
Que font d’autre aujourd’hui, Trump et Musk, populistes, nationalistes, xénophobes, sans limite dans la violence verbale ? Trump désire-t-il une révolution au sens étymologique du terme ? Un retour en arrière, une révolution conservatrice contre toute forme de ce qu’il considère comme le wokisme, le féminisme, le métissage, afin de faire une « America Great Again » dans la projection d’un « avant c’était mieux » qui renverrait à l’enfer des droits systématiquement brimés des minorités ? Compte-t-il faire du Groenland son Éthiopie à lui, comme Mussolini le fit, dans sa volonté d’expansion vers une Pax romana qui serait une Pax americana par l’annexion du Canada ou d’autres territoires ?
Musk semble encore plus dangereux. Créature de l’hyper-capitalisme médiatique, il possède des réseaux sociaux capables de changer les esprits et de soumettre les gens à un totalitarisme de la pensée sur écran par diffusion mondiale de ses slogans nauséabonds. Ceux-ci visent à une révolution non plus conservatrice, mais à la fabrique d’un « homomuskinus », endoctriné par des images, hypnotisé par de nouvelles technologies, en un mot décérébré par les écrans, devenus outil holistique de son fascisme renouvelé. Il insulte le premier ministre anglais, il soutient le pouvoir en Hongrie, il se moque du premier ministre démissionnaire canadien de façon grossière, il entretient avec la première ministre italienne postfasciste une complicité que les deux affichent, l’une légitimant historiquement ce que l’autre promet pour l’avenir. Nous sommes prévenus. Une révolution ultralibérale, appuyée sur une nouvelle technologie et la soumission de l’État américain à un système médiatique totalitaire, est en marche. Nous entrons en résistance contre ce fascisme renaissant sous un nouveau visage à combattre.